On vous a parlé de cosmétologie du café dans un précédent article, pour la préparation d’onguent de prestige. Mais connaissez-vous les préparations médicamenteuses que l’on réservait autrefois au chocolat ? Alors, le chocolat et la santé ont-ils fait bon ménage ?
De la gourmandise au médicament
Longtemps utilisé en Europe sous forme liquide, le chocolat a été préparé une première fois sous forme de « boudins » en Espagne vers 1674 mais sans laisser d’application industrielle. On le retrouve sous forme de diablotins en France et à Londres ou ils sont vendus dès cette date dans le fameux magasin « At the Coffe Mill and Tabacco Rool ». Il fallut attendre la révolution industrielle au XIXème siècle pour réussir à la préparer sous forme solide en barres ou en tablette comme nous le connaissons de nos jours. Et Dès 1819, les grands progrès industriels lance le cacao en poudre, les premières tablettes. La réputation de Suchard, Tobler, Barry, Poulain et Mercier est faite ! Initiés par les chocolatiers viennois à cette douceur, marie Antoinette demande à un pharmacien tenant officine à Saint Germain en Laye de réaliser des pistoles à base de cacao, associant vanille et ambre gris, et dès 1823, il associa à son neveu, également pharmacien, dans la fabrication du chocolat de santé.
Le chocolat de santé
Et comme le chocolat continue de bénéficier de la double réputation alimentaire et médicamenteuse, on retrouve dans le Codex de 1937 de nombreuses préparations instaurant un nouveau type de médicament : le chocolat médicamenteux. Des pharmaciens s’occupèrent seuls pendant longtemps de la torréfaction, du pastillage et de forme concentrées et le présente comme une nouveauté conçue comme un condensé pharmaceutique commode dans les voyages. On l’associe avec de nombreuses substances actives (calomel ou jalap pour ses vertus laxatives) pour les suppositoires ou on l’utilise comme excipient pour administrer des substances dangereuses tel du chlorure mercurique pour le chocolat antivénérien !
Un célèbre pharmacien
Le saviez-vous ? Menier, resté célèbre comme le fondateur de la plus grosse entreprise française de chocolaterie était aussi pharmacien. Dans son moulin en Seine et Marne, de multiples appareils servant à piller, broyer, moudre les fèves de cacao en quelques 2000 coups par minute produisent à la fois du chocolat mais aussi des matières premières nécessaires aux préparations de la pharmacie d’officine : on disait alors qu’il s’agissait de produits de drogueries. Son fils Emile-Julien prend la succession de son père après des études de … pharmacien, lui aussi. La production de chocolat ne fait que croître et en 1867, on retrouve dans les livres notion de 4000 tonnes de chocolats fabriqué par an. Le chocolat est en plein essor : c’est l’époque de la publicité populaire avec les célèbres affiches ou l’on voit une petite fille vanter la qualité du chocolat Menier devenu indispensable aux enfants et aux grands … Mais les produits de drogueries marchent bien aussi. Sept voyageurs formés aux relations internationales vont à l’exportation. En 1837 le chocolat donne du travail à 325 ouvriers dans les entreprises Menier. Le succès du chocolat de santé n’a jamais démérité : il a été aboli du Codex des pharmaciens seulement en 1908 ! Mais on étudie encore ses mérites de nos jours dans de nombreuses études scientifiques et médicales.
Et si de nos jours on ne parle plus de chocolat de santé ou chocolat médicament, ce n’est pas pour autant que le cacao a dit son dernier mot : Jeanne Calment qui mourut à 122 ans consommait un kilo de chocolat par semaine ! Cela donne un bel exemple, non ?
Source : Café, thé, chocolat : les bienfaits pour le cerveau et pour le corps – Un peu d’histoire – Edition Odile Jacob – 2010 – Pr J. Costentin et Pr P. Delaveau